La censure de Ramadan à l'ULB fait débat

Wed, 03/21/2007 - 23:41 -- Samira
La censure de Ramadan à l'ULB fait débat

L'interdiction de débat opposée à Tariq Ramadan par l'ULB bafoue le libre examen. N'exprime-t-il pas l'échec des élites à intégrer l'islam comme un fait européen ? L'islam est-il si dérangeant en Occcident ?

Nous ne reviendrons pas sur les péripéties de l'interdiction de débat opposée à Tariq Ramadan par les autorités académiques de l'ULB - décision qualifiée fort adroitement de crime contre l'intelligence par Philippe Moureaux - car à notre avis ce n'est pas Monsieur Ramadan qui pose problème - sauf peut-être pour le nouveau recteur de l'ULB - mais bien le statut de l'islam en Belgique et plus généralement en Occident. Le libre examen a en tous les cas pris un fameux coup de vieux dans cette histoire !

Un débat tronqué

Les faiseurs d'opinion, les professionnels occidentaux de la communication prennent un malin plaisir à transformer un fait civilisationnel, une spiritualité universelle, une éthique pacificatrice en un vulgaire produit de consommation de masses acculturées, voire carrément sous-développées. Une idéologie totalitaire en somme : l'islam étant devenu non seulement vecteur d'intégrisme mais tout simplement synonyme d'intégrisme.

Il suffit de voir sur les plateaux télévisés quels sont les "musulmans de service" qui sont généralement invités pour se rendre compte que ce sont toujours les mêmes, que leur discours manque pour le moins totalement d'ambition ou est franchement médiocre et que c'est probablement pour cela qu'ils sont mis en avant.

Quant à Tariq Ramadan, il est devenu un must pour soit faire de l'audience soit créer de la polémique. Lorsqu'on lit dans La libre Belgique (1) que sa "démarche intellectuelle vise à retourner au texte sacré, le Coran, pour y trouver la réponse aux questions que pose le 21ème siècle", on doit s'inscrire en faux face à cette assertion pour 3 raisons :

- la démarche de T. Ramadan n'est pas spirituelle mais politique, c'est son droit le plus strict, mais c'est aussi pour cela qu'il dérange;

- quelles que soient les prises de position de M. Ramadan, elles sont loin d'être à la hauteur de la hardiesse et de la générosité du texte fondateur;

- le meilleur interprète du Coran reste le Coran lui-même et, par conséquent, Monsieur Ramadan ne représente que lui-même.

Les médias ont le chic de nous servir un islam moribond un tant soit peu "réchauffé" dans le meilleur des cas ou alors carrément mythologique : un islam du "centaure" et de "la chimère" en quelque sorte. Un islam qui rime quasi toujours avec barbarie et terrorisme.

Pour illustrer notre propos, prenons un exemple à l'opposé de celui de Ramadan : celui de Robert Redeker. Certes, le Coran n'appartient pas aux seuls musulmans. Nul ne peut en revendiquer l'exclusivité, car il est patrimoine universel et s'adresse par conséquent à toute l'humanité : "Nous ne t'avons envoyé aux humains qu'en leur totalité pour porter l'annonce et donner l'alarme." (XXXIV, 28). Par conséquent, ce texte peut être apprécié ou pas, critiqué ou encensé, tout dépend du point de vue de son lecteur. En fin de compte, comme nous le rappelions plus haut, le Coran reste le meilleur théologien de lui-même et ce serait véritablement lui faire injure que d'appeler au meurtre de quiconque oserait le critiquer même vertement.

Un islam de l'intelligence

Cependant, il est plus que fatiguant d'entendre sans cesse des gens qui méprisent le Coran, qui plus est ne connaissent pas ce texte et qui bien souvent dissimulent mal une islamophobie aux relents des plus nauséabonds, nous expliquer à nous, qui fréquentons ce texte quotidiennement depuis de nombreuses années, que nous ne sommes en fin de compte qu'une "bande de demeurés", incapables de comprendre "la nature intrinsèquement violente" du texte fondateur de l'islam; violence dont chaque musulman serait en quelque sorte le vecteur !

Il est bon de rappeler - en particulier aujourd'hui où l'on a tendance à lui faire dire tout et son contraire - que le Coran n'est pas un roman de gare à la portée du premier venu. Eu égard à sa complexité, l'étude du texte fondateur de l'islam exige de solides connaissances. Autrement dit, le Coran est un texte qui se mérite : ce n'est pas pour rien que Jacques Berque, dont le talent, l'honnêteté et la rigueur intellectuelles font autorité, a consacré 20 ans de sa vie à son étude pour nous proposer une oeuvre modestement qualifiée d'"Essai de traduction" du Coran.

Prendre ses responsabilités

Il n'y a pas si longtemps de cela, l'embrasement soudain des banlieues démunies et sinistrées de France illustrait l'échec patent de l'enseignement en Europe, la faillite de la politique française d'intégration et d'assimilation, quelques mois à peine après les expressions de l'échec hollandais avec le meurtre de van Gogh, et la déconfiture, peu de temps après, du modèle anglais suite à la vague d'attentats de Londres, sans parler du scandale de l'occupation de l'Irak par l'armée américaine. Les déboires de l'Occident font les choux gras de tous les fossoyeurs de la démocratie, des intégristes de tous bords et de toutes tendances dont le travail de sape se répand comme une traînée de poudre prête à s'enflammer au contact de la première étincelle.

Tout ce déchaînement de violence exprime avant tout l'échec des responsables publics à intégrer l'islam comme un fait européen. L'islam en Europe fait partie des meubles et personne ne semble s'en rendre compte sauf peut-être au moment des élections mais dans une optique communautariste. Pourtant, l'Europe nous a déjà offert un modèle de pacification religieuse, sociale et interculturelle : le modèle andalou ! Un modèle réactualisé et par lequel il s'agit en définitive de faire le choix de l'interculturalité contre la barbarie. Ce choix passe à nos yeux en priorité par l'enseignement.

Quant aux Européens musulmans, ils se doivent d'accepter comme compatibles avec leur foi les valeurs fondatrices de l'Occident : la Critique, les Lumière et la laïcité. Plus généralement, l'islam doit fournir l'effort d'adéquation à l'avenir qui lui incombe. Son texte fondateur, le Coran, en offre et la possibilité et l'invite !

Mail : refletmaga@yahoo.fr

(1) Édition du vendredi 16/03/07, p. 22

(2) "Le Coran, L'Appel", Robert Laffont, 1990, pp. 8-10.

(3) Edimbourg, 1960.

Pour des raisons de mise en page, le volume de ce texte a dû être diminué.

© La Libre Belgique 2007

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